Parler de l’Europe ou contribuer à sa construction ?

L’Europe à laquelle nous aspirons se réalisera-t-elle ?  Pas si nous continuons à vouloir l’union et ses bienfaits sans en même temps abandonner au bénéfice de cette union une bonne partie de nos égoïsmes d’Etat.

 

Du moins ne se fera pas ce que nous aimerions pouvoir appeler « notre pays l’Europe » : un Etat, une vraie entité  habitée d’Européens  qui se déclarent comme tels lorsqu’on leur demande ce qu’ils sont.

 

A ceux qui objecteraient que c’est une pure utopie je leur dirai que oui peut être, mais que la réalisation de cette utopie est une absolue nécessité! Comme ce fut le cas pour les Allemands d’aujourd’hui qui se disent  Allemands et non Bavarois ou Prussiens ou Hanséates. Les  Français d’aujourd’hui, vus de l’étranger, ne sont ni Bourguignons, ni Normands ni Bretons. Il en est ainsi pour presque tous les pays de l’UE considérés un par un. Il est hélas vrai que pour arriver à ce point il a fallu beaucoup de conflits, beaucoup de guerres.

 

Pour passer de l’UE « agglomérat » à une vraie Europe-Etat en excluant évidemment toute guerre comme celles du passé,  peut être, seule une résistance commune à un grand danger existentiel, comme une grande victoire gagnée en commun  serait à même de fonder et surtout de pérenniser le « Grand Consensus » dont l’Europe de ce siècle à impérativement  besoin  pour affirmer son existence et son identité face aux autres grands blocs dans notre monde

 

Et ce grand péril, cette  réelle menace existentielle pour l’Union européenne, « la Grande Crise »  est là.

 

La conflagration, financière et économique, est déjà déclenchée et les premiers dommages ont déjà atteint, un par un séparément, la totalité des pays membres de l’UE.

 

Face à l’amplitude du mal qui détruit globalement nos économies et met en danger nos structures sociales, la réponse, l’effort de sauvetage, tout le monde en a enfin conscience, doit également être global.

 

Nous sommes, en plein milieu de ce cataclysme dévastateur, 27 pays  mal agglomérés par le ciment peu fiable de traités successifs. Ces derniers résultant davantage des « bonnes intentions » que d’une volonté démontrée de laisser de côté, aussi bien les visions égoïstes propres aux Etats membres  que les futiles manifestations du propre « ego » des dirigeants des pays. Peu soucieux de cohérence européenne, nombre parmi ces derniers préfèrent se faire valoir, de la manière la plus « politicienne » auprès de leurs électeurs nationaux  plutôt que de risquer le désaveu d’une partie de ces derniers, en sacrifiant certaines prérogatives nationales au bénéfice du sauvetage, je dis bien sauvetage du bien commun qu’est l’Union européenne.

 

Pour les 27 de l’Union européenne, la question de nature vitale s’énonce avec brutalité : « allons nous succomber divisés ou bien allons nous survivre sans blessures durablement invalidantes et ensuite vivre unis »

 

 

Et pourtant, je serai enclin de croire que le désastre que nous vivons sur le plan mondial est peut être pour nous, Européens, une chance providentielle. En effet, l’adversité, le danger de mort collective ont dans le passé permis des sursauts d’union et de victoires qui sur le papier paraissaient impossibles.

 

La catastrophe qui nous a touchés tous sans exception, le monde « globalisé » comme l’UE, a une cause et une victime principales. La première a pour nom Finance et la seconde Economie. La première entre les mains de prestidigitateurs fous a fait s’évanouir dans un tourbillon cyclonique la moitié de la richesse monétaire du monde, privant  l’économie de son oxygène et de son sang. Ce désastre financier, a déclenché un raz de marée sur l’Economie mondiale avec pour résultat, de par le monde, des dizaines de millions de chômeurs abandonnés sur le sable du désespoir.

 

Face à cette situation il n’est plus temps de bâtir longuement des théories à l’application incertaine. Certaines actions sont exigées de manière impérative.

 

Que faire ?

 

En premier il faut donner priorité à l’Economie sur la Finance.

 

Créer en commun un fonds de solidarité propre à l’Union européenne, pour le soutien et la relance de l’activité économique.

 

Lancer un emprunt UE d’un montant substantiel calculé d’après un pourcentage du PIB de l’Union, qui sera géré par ce fonds.

 

Distribuer les moyens ainsi récoltés aux différents pays de l’Union en tenant compte uniquement des besoins vitaux à la stabilité sociale précisément identifiés et évalués pour assurer une activité économique même à minima,  en conservant le plus gros du potentiel productif ainsi que les compétences humaines dans chacun des pays membres. Les sommes ainsi mises à dispositions seraient proportionnellement déconnectées de la dimension des pays, du nombre  de leurs habitants et du montant de leur propre contribution au fonds.

 

Pour agir efficacement au bénéfice de l’ensemble des pays membres de l’UE il est indispensable d’apporter à chacun des pays une aide « sur mesure ».

En effet, pour les pays membres de l’UE l’impact de la crise sur leurs économies respectives n’est pas uniforme dans sa nature. Selon le pays, son histoire, son niveau économique d’avant la crise,  nous observons principalement deux manifestations également  dommageables.

1- Les Etats faisant partie des « premiers cercles » de l’UE, qui sont à présent les Etats les plus avancés économiquement et socialement,  subissent une dégradation galopante de la consommation intérieure, couplée avec une aussi galopante diminution des exportations. La conjonction des deux, ayant pour conséquence des taux de croissance négatifs, une très forte augmentation du chômage et évidemment une diminution aussi forte des pouvoirs d’achat. Ces Etats, notamment L’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, nécessitent une totale réorientation de leurs appareils productifs. Le but étant la création de  réelle valeur ajoutée, du « gain d’argent », en parallèle avec la conservation et, surtout, la création d’emplois. Cette réorientation demande d’une part des financements lourds pour des investissements productifs « nouvelle génération » et d’autre part des financements  plus légers mais tout aussi  indispensables aux TPE, PE et PME qui sont les constituants de base de nos économies. Ce sont ces dernières notamment qui emploient et tirent profit des expériences de ceux que les « grandes entreprises » mettent à l’écart, de même qu’elles donnent leur première chance à des jeunes, diplômés ou non, et contribuent en même temps à leur formation.

2- Les pays d’Europe centrale et orientale ayant nouvellement rejoint l’UE après être sortis du giron de la domination soviétique, partant d’un niveau économique de misère, avaient, dès leur association avec les pays de l’UE et même avant leur adhésion définitive à cette dernière, bénéficié d’une forte croissance, de l’ordre de 6-7% l’an. Celle-ci était due à la vraie naissance de la demande de consommation intérieure, ainsi qu’à la demande de produits manufacturés provenant des pays européens plus prospères et aux contrats de sous-traitance de la part de ces derniers. Cette croissance économique des nouveaux venus dans l’UE est aujourd’hui remise en question avec pour corollaire, déceptions, développement de l’Euroscepticisme et pire, des débuts de révoltes de nature sociale.

Les besoins de financement  de ces nouveaux arrivants en UE sont d’une autre nature que ceux des « vieilles » économies décrites plus haut. Là, il s’agit évidement, comme partout, de gros investissements d’infrastructures étalés sur de nombreuses années, mais surtout, en urgence, des financements permettant aux « jeunes pousses » industrielles de ne pas péricliter ou disparaître  avant la prochaine reprise mondiale des affaires. Le montage de ces financements, de ces prêts, est peut être plus délicat qu’ailleurs du fait du manque d’« histoire économique » comme du manque souvent, hélas, d’employés de banque compétents et intègres. Il n’en reste pas moins que ces pays doivent être soutenus  par l’Union Européenne au moyen de Fonds mentionnés plus haut de préférence à une aide octroyée par le FMI qui n’aura jamais la même attitude solidaire et compréhensive.

 

Revenons à présent aux sources de financement.

 

Pour  répondre à l’effondrement façon « domino » des banques et autres institutions financières  suivi de la dégringolade économique quasi simultanée, curieusement la seule réaction « salvatrice » concertée mais hélas non coordonnée de l’ensemble Conseil et Commission  européens, a visé à recapitaliser d’une façon ou d’une autre des banques défaillantes. On espérait ainsi donner un coup d’arrêt à  la récession en un premier temps et permettre une reprise économique en un second.

 

Je vais essayer d’expliquer pourquoi  ces apports de capitaux sont loin d’initier l’effet escompté !

 

Fournir des fonds de recapitalisation aux banques défaillantes ou menacées de faillite à été un premier réflexe de panique. On ne peut en reprocher le principe aux responsables européens en place, mais après un premier moment où de l’argent comptant ou bien des garanties de crédit  se sont déversées, il est légitime de se poser la question sur le bien fondé de cette profusion d’aides. Et surtout de leur utilisation par les institutions financières récipiendaires.

 

Sauver des banques et des institutions financières, dans l’urgence, n’a de sens que dans la mesure où les fonds mis à disposition :

 

·        Evitent la panique qui pousserait les (petits) épargnants et les possesseurs de comptes courants à les vider en demandant leur remboursement immédiat. (ce résultat semble avoir été atteint)

 

·        Permettent (ou font obligation) aux banques de pérenniser les crédits courants aux entreprises  et surtout à celles, petites et moyennes, ne pouvant fournir de garanties de couverture (cautions ou biens immobiliers) pour les crédits en question.

 

·        Permettent la mise en place de crédits additionnels de soutien aux entreprises de toute taille mais surtout aux PME, PE, TPE, structurellement en bonne santé, mais mises en difficulté par la situation conjoncturelle soit de la demande pour leurs produits finis soit de commandes de sous-traitance.

 

·        Permettent la mise en place de crédits au bénéfice de nouvelles petites entreprises fondées par des entrepreneurs à compétence prouvée, pour le développement et la fabrication de produits innovants commercialisables. 

 

·        Aider avec discernement les nouveaux projets « start up » tendant à valoriser des idées et des projets basés sur des compétences affirmées, en finançant les recherches indispensables à la réalisation  et la mise sur le marché de produits innovants.

 

 

 

C’est à cette fonction de soutien de l’économie « réelle » et à elle seule que doivent être consacrés les fonds et les garanties étatiques fournies aux banques. Malheureusement c’est dans ce domaine que ces dernières se font le plus tirer l’oreille

La réticence des banques (même de celles ayant bénéficié de fonds ou de garanties publiques) à confirmer des facilités de crédit dont bénéficiaient avant  2007-2008 des entreprises et leur encore plus grande réticence à octroyer de nouveaux prêts ou de facilités de fonctionnement  est patente. Seule une réorganisation structurelle de certains établissements bancaires et un nouvel esprit de solidarité avec l’économie de la nation ou de l’Europe (selon le cas) parmi ses dirigeants et employés pourrait pallier le manque de coopération active indispensable à toute reprise d’activité ou de développement.

 

Je ne vais pas m’attarder ici sur tous les dysfonctionnements du système financier en général et bancaire en particulier qui nous ont amenés à l’état de quasi faillite auquel nous assistons.

 

Ce qui importe et qui doit être drastiquement contrôlé c’est que l’argent des contribuables européens  alloué au redémarrage de l’économie dans le cadre du schéma décrit plus haut, serve strictement à cet effet et pas au renflouement des banques elles-mêmes par de spéculations hasardeuses dont l’éventuel échec sera de nouveau supporté par les citoyens.

 

Admettant que les opérations de prêts aux entreprises ne sera pas très rentable pour les banques du fait des faibles taux d’intérêt, et tenant compte des risques que présentent ces crédits, il sera normal de prévoir qu’une partie des garanties prévues dans le plan de relance global soit destinée à assurer les établissements prêteurs contre des défaillances d’emprunteurs. Ceci pour ôter toute raison de frilosité dans l’attribution des aides aux entreprises et surtout à la mise en œuvre de projets innovants.

 

Ces dispositions devraient faciliter (en minimisant autant que possible le risque qui leur est attaché) le financement de l’activité productive.

 

On ne le répétera jamais assez : L’UE doit s’affirmer comme un grand bloc de création, de fabrication, et de vente à l’intérieur comme à l’extérieur de biens de toute nature. Seule cette capacité de l’UE lui permettra de gagner les moyens financiers nécessaires à la politique sociale juste et équitable à laquelle aspirent ses citoyens pour en faire la base de leur vie solidaire en commun.

 

L’emprunt dont je parle plus haut, fait au nom de l’UE, au nom de tous ses pays adhérents,  devrait, en plus de l’apport de moyens, cimenter psychologiquement la solidarité et le sens de la responsabilité partagée entre tous les Européens

 

Pour s’assurer que l’utilisation des fonds publics ainsi levés en commun par les Européens se fera exclusivement au bénéfice, contrôlé, du public, les entités financières  tirant leur subsistance de la  pure spéculation financière devraient être exclues de la liste des bénéficiaires de l’aide communautaire ou étatique au refinancement.

 

PS 

Rédigées en grande partie avant le dernier sommet du G20 les intentions  formulées  lors de ce dernier ne me semblent pas altérer à ce jour la pertinence de mes réflexions.

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